Jérôme Monet
L'obligation légale d'assurance en responsabilité civile professionnelle mise à la charge de tous les professionnels de santé, depuis le 4 mars 2002, a permis de tester l'ambition des assureurs et une fois de plus de sanctionner les praticiens.
Les assureurs en responsabilité civile professionnelle (RCP) ont, pour la plupart, résilié leurs contrats avec les praticiens dont l'activité garantie représentait un risque trop lourd. Afin d'éviter la mort certaine de l'activité chirurgicale en France, le législateur a dû céder aux avances du lobbying des assureurs.
La loi du 30 décembre 2002 a rendu la possibilité aux praticiens ayant subi deux refus d'assurance en responsabilité civile de s'assurer. Un groupement de coassurance a été institué à l'instigation des assureurs : c'est la naissance du Groupement temporaire des assurances médicales (GTAM).
Bien entendu, cette assurance « de la dernière chance » ne s'est pas créée sans abus de la part des pourvoyeurs de garantie. En effet, les primes excessives imposées aux gynécologues obstétriciens ont conduit ces derniers à manifester leur mécontentement par une grève dès le début du mois de janvier 2003.
Le GTAM a été constitué pour une période déterminée, le temps que les assureurs, participant à ce groupement, reviennent sur le marché de la responsabilité civile professionnelle. La durée de souscription du GTAM est fixée du 01/01/2003 au 31/12/2003. Les compagnies d'assurance, qui participent au GTAM à proportion de leur engagement en responsabilité civile médicale sur le marché français, ont trouvé un outil de travail sur mesure. Cette entité juridique permet aux assureurs d'être tenus solidairement en cas de défaillance d'une des sociétés du groupement. De plus, les assureurs du GTAM peuvent observer l'évolution du risque de l'activité médicale sans être en première ligne.
A l'heure actuelle, le GTAM n'est pas reconduit. Il appartient donc, à chaque médecin ayant subi une résiliation de son contrat GTAM de RCP, de démarcher un nouvel assureur. Les primes annuelles risquent cependant d'être maintenues à des prix élevés pouvant atteindre les 15 000 € pour une activité chirurgicale.
A l'inverse, si les assureurs conventionnels rechignent le plus souvent à souscrire une police d'assurance pour une activité chirurgicale, il n'en va pas de même pour la souscription d'une police d'assurance d'activité de consultation. Le risque que représente une consultation en cabinet d'ophtalmologie, par exemple, est encore statistiquement raisonnable pour les assureurs de RCP. Mais, il ne tient qu'à la volonté des assureurs de rendre l'activité de ce type de cabinet potentiellement inassurable. Le jour où le risque de prescription de verres correcteurs constituera une trop forte baisse de chiffre d'affaire pour les sociétés d'assurance, nous pouvons nous attendre à ce que l'on oppose à la plupart des ophtalmologistes de France des primes exorbitantes ou bien un refus d'assurance.
Le rôle régulateur du Bureau central de tarification
Nous rappellerons à toutes fins utiles, qu'un praticien ayant subi deux refus d'assurance peut actionner le Bureau central de tarification (BCT).
Le BCT a été créé par la loi du 4 mars 2002. L'article L 252-1 du Code des assurances et le décret n°2003-168 du 28/02/2003 l'on mis en place bien après la crise de la fin d'année 2002. Ce bureau est le même qu'en matière d'assurance automobile. En effet, le BCT a pour rôle d'imposer à un assureur de prendre en charge la garantie d'un risque pour un montant de prime défini. Mais cette prime d'assurance est bien supérieure aux primes accordées sur le marché de l'assurance. On ne peut pas contraindre un assureur sans lui promettre une garantie suffisante. La prime de l'assuré médecin finit donc par atteindre des sommets malgré le dispositif censé le protéger ! Si pour le chauffard, une surprime peut paraître naturelle, pour le chirurgien ou le médecin consciencieux et prudent, simples victimes d'une judiciarisation de la pratique médicale, elle paraît abusive, commercialement discutable et inéquitable ! ! Nous constatons, en outre, que les délais entre la décision du BCT, obligeant un assureur à accepter la garantie d'une RCP médicale, et la couverture effective de l'activité du praticien peut atteindre les 2 à 3 mois. Peut-on raisonnablement stopper son activité jusqu'à la fin du mois de février 2004 dans le seul but d'être en conformité avec la loi ?
De plus, l'article L 1142-25 du Code de la santé publique, ainsi que l'article 5 du décret n° 2003-168 du 28/02/2003 prévoient pour tout manquement à l'obligation légale d'assurance une sanction d'une peine d'amende de 45 000 €, qui peut être accompagnée d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer.
Pour pallier à ce problème, les compagnies d'assurance vont proposer aux praticiens remplissant les conditions d'accès au BCT, de les garantir tout en appliquant les tarifs standards mis en place par la « jurisprudence » du BCT. Face à un BCT envahi de demandes des praticiens victimes des pratiques commerciales sus-citées, ces même assureurs vont par la force des choses récupérer le rôle qui leur incombe tout en ayant augmenté les primes.
Face à une telle situation, certains praticiens peuvent être tentés par des primes alléchantes proposées par des sociétés basées à l'étranger. Les garanties en cas de litiges semblent offrir bien peu de sécurité et laissent bon nombre d'experts en assurance, de juristes et de fonctionnaires dubitatifs.
La saga de l'assurance en responsabilité civile professionnelle est loin d'être terminée et il convient à chaque médecin de faire preuve de la plus grande vigilance quant à son contrat et à l'évolution de sa prime. L'assurance, c'est aussi savoir se montrer prudent !
Bibliographie
Article L 1142-2 du Code de la santé publique
Loi n°2002-303 du 04/03/2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Loi n°2002-1577 du 30/12/2002 relative à la responsabilité civile médicale.
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ASSURANCES
La saga de l'assurance Responsabilité civile professionnelle
LE PRIX CROISSANT D'UNE OBLIGATION LÉGALE
jeudi 18 novembre 2004 - |
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